501e RCC

Parce qu’il tire ses racines de la Grande Guerre, le 501e Régiment de chars de combat (RCC) est le plus ancien régiment blindé de l’armée française. Après la débâcle de 1940, il fut recréé le 1er juillet 1943 en Afrique du Nord sous le commandement du chef de bataillon Cantarel. Son noyau dur, composé de vétérans des campagnes du Tchad, fut vite agrandi par l’afflux de nombreux volontaires engagés au Maroc, en Algérie, ainsi que des évadés de France.

Voici l’histoire de quelques journées, parmi de nombreuses autres, passées au combat en Normandie.

Insigne du 501e RCC

Le retour en France

C’est au Maroc, le 28 août 1943, que le régiment reçoit sa dotation en matériel américain avec des chars M4 Sherman. Avec la toute nouvelle 2e Division blindée du général Leclerc, il rejoint l’Angleterre au printemps 1944 dans l’attente du débarquement. Le 1er août, le 501RCC embarque à Weysmouth et Portland pour une direction connue et espérée de tous : la Normandie ! La traversée de la Manche se passe sans encombres, et, le 3 août vers 2 heures du matin le régiment débarque enfin aux Bancs du Grand Vey au nord-est de Carentan. Pour ces hommes, c’est le moment attendu depuis près de quatre longues années, le retour dans leur patrie.

Une fois regroupé sur le transit area le régiment est fractionné et dirigé par convois de 35 véhicules vers sa nouvelle zone de bivouac, située dans des champs de chaque cotés de la route Vesly-Lessay, a 3 Kms au sud de Vesly. Dans la journée du 4 août, le régiment déplore ses premiers blessés, le caporal Mouchet et le chasseur Bichon, tous deux atteint par l’explosion d’une mine. Le lendemain, les préparatifs de départ ont lieu : le régiment doit être prêt à partir dans un délai de 3 heures.

Progression vers le front

© CG Basse Normandie / NARA
Le Général leclerc à Utah Beach. © CG Basse Normandie / NARA

C’est finalement le 6 août au matin que le régiment s’ébranle en direction de Saint-Aubin où il se retrouve en seconde ligne et stationne à proximité de cette localité jusqu’au 8 août, date à laquelle la 1ère section de chars de la 1ère compagnie (1/501e RCC) commandée par le sous-lieutenant Touny est envoyée dans le secteur d’Avranches.

Le même jour, le général Leclerc affecte au commandement de la brigade de chars et du Groupement tactique V (GTV) le colonel Billotte et nomme le colonel Warabiot chef de corps du 501e RCC. Dans la soirée, la section envoyée en couverture rejoint le régiment et subit le bombardement de la Luftwaffe qui touche par bombes-papillon le CHR, le PC et la 3e compagnie. Le bilan de cette attaque qui dure 2 h30 est de 3 tués (les chasseurs Ben Amar, Mhendach N’Miche, et Pauli) et de 29 blessés.

Le lendemain le régiment part pour une nouvelle zone de stationnement située au environ d’Epineux ce qui est l’occasion pour le 501e RCC de faire ses premiers prisonniers, deux soldats isolés dans une ferme à 1 km au nord-ouest de Ballée.

10 août 1944

Le 10 août marque le début des opérations militaires de la 2e DB à proprement parler, avec l’attaque des groupements tactiques Dio (GTD) et Langlade (GTL) en direction de Ballon. A 7 heures du matin, le 501e resté jusqu’alors en réserve reçoit l’ordre de partir en direction du Mans et franchit la Sarthe sur un pont du génie américain entre 11 heures et 17 heures. Le régiment s’installe à 11 km au sud de Ballon, à l’est de la route Ballon-Gouligu, toujours en réserve et couvert au nord par le groupement Dio, à l’est par le XI/64e R.A.D.B et à l’ouest par le 3e bataillon du régiment de marche du Tchad (III/ RMT).

11 août

La journée du 11 août débute par le départ du régiment à 7 heures. Le GTV est divisé en deux sous-groupements, le premier aux ordres du colonel Warabiot situé à l’est et comprenant les 1ère et 2e Cies de chars (2/501) et le P.C. du régiment, le second (SGP) aux ordres du commandant Putz (chef du III /RMT) comprenant les 2e et 3e Cies du régiment. Le colonel Billotte et son état-major marchent quant à eux avec le sous-groupement Warabiot (SGW).

A 14h, le SGW arrive à 1500 mètres au sud-est de Coulombiers après avoir traversé les bourgades de Ballon, Lucé, Doucelles et Le Coudray. A ce moment le sous-groupement se redivise de part et d’autre de la route dans un dispositif d’avant-garde. L’état-major du sous-groupement s’installe à la sortie est de Coulombiers. Pendant son avance, il a capturé 3 soldats allemands aussitôt remis au GTV pour être interrogés.

© CG Basse Normandie / NARA
Une « Rochambelle » bricole une kubelwagen allemande capturée. © CG Basse Normandie / NARA

Vers 20h30, le SGW installe un dispositif défensif à 1 500 m au nord de Coulombiers avec pour mission de couvrir le sous-groupement et de servir de flanc-garde à l’est et au sud du sous groupement Dio (SGD). Ce dispositif est composé de la 1/501, d’une compagnie d’infanterie, d’une section génie, la section de mortiers et la section de 105 du régiment. Le colonel Warabiot installe son PC avancé au centre du dispositif, le reliquat de son PC reste à son emplacement initial de 14h.

De son côté le SGP atteint le carrefour de la Hutte vers 13h. Il pousse aussitôt une reconnaissance composée d’un peloton appuyé par une section de la 3/501, une de la 4/501 et d’une section d’infanterie.

12 août

La 2/501e rattachée au sous-groupement Putz

Le 12 août, le GTV, toujours organisé en deux sous-groupes, part à 7h du matin avec comme mission de dépasser le GTD et de se diriger vers Sées et de s’en emparer le plus vite possible en contournant Alençon par l’est ou déborder Sées par l’est.

Le char KEREN se trouve toujours à l’endroit de sa destruction.

A Saint-Paterne, une section de chars légers commandée par le sous-lieutenant Despagnol est prélevée au sous-groupement Putz (SGP) afin d’être mise à disposition du colonel Warabiot dans le but de renforcer la tête de la manœuvre. Le SGW est couvert à l’est par le peloton de reconnaissance, il a pour itinéraire : Château d’Auterive, Essay, Sunois, Sées.

A 13h le SGW prend le contrôle de Sées sans rencontrer de résistance de la part des forces allemandes. Aussitôt l’ordre de pousser sur l’important nœud de communication d’Ecouché et de s’en emparer tombe, il faut également franchir l’Orne afin d’établir une solide tête de pont en direction de Montgaroult. C’est à ce moment là que la 2/501e RCC est prélevée pour être intégrée au SGP, ce qui prive le SG Warabiot de sa surdotation mais un groupe d’artillerie lourde de 155 de l’armée américaine assure la protection du GTV et par là-même celle des deux sous-groupements sur l’itinéraire suivant : Sées, Mortrée, Saint-Christophe, Ecouché.

Or, cet axe de progression se rapproche dangereusement de celui de la 5e DB US, qui progresse alors sur la RN 158, ce qui décide le colonel Warabiot à engager sa colonne sur de petits chemins difficiles mais praticables juste à l’ouest de l’axe emprunté par les blindés américains. Au passage, une rude discussion à lieu entre les différents chefs d’unité, chacun revendiquant la RN158.

Les Français traversent les villages de Saint-Laurent du Hamel, Belfonds, Montmerrei, sans grande résistance de la part des Allemands. En cours de route ils rencontrent un membre des FFI, le capitaine Denormandie, qui connaît parfaitement la région et grâce à son aide la progression se déroule sans encombres et permet de dégager à plusieurs reprises la colonne blindée US qui se trouve accrochée par des armes anti-chars. Mais une fois à Vieux-Bourg prés de Montmerrei, un canon anti-char allemand dissimulé dans les bosquets à droite de la route, au bois des Brousses, n’est pas décelé par le char de tête « Keren ». La sanction est immédiate : le char est touché par un obus de 75 en pleine tourelle, et le bilan est lourd : 3 tués (sergent Brediger, caporal Omnes, chasseur de première classe Tubert). Aussitôt des grenadiers allemands sortent comme des diables des bois qui bordent l’est de la route et se lancent à l’assaut contre les hommes de la 2e DB.

La section du lieutenant Galley se déploie alors sur les ordres du commandant Delepierre pour nettoyer le terrain ; à son tour, la 1ère section du sous-lieutenant Touny progresse à défilement de tourelle, de l’autre côté de la crête à l’est de l’axe de progression et détruit rapidement un char Panther et un canon d’artillerie avec son tracteur (I/24 PzR, 116e Pz-D). La contre-attaque de l’infanterie allemande échoue rapidement dans le sang, et la progression des unités blindées peut continuer notamment pour les Américains bloqués une nouvelle fois sur la RN 158. Lors de cette embuscade, le commandant Delepierre a été grièvement blessé, la bataille de Normandie s’arrête ici pour lui.

L’impact de l’obus allemand dans la tourelle du KEREN.

La 1/501e RCC avec le sous-groupement Warabiot

Le SGW atteint maintenant Saint-Christophe-le-Jajolet et s’engage sur le chemin communal 19 en direction d’Ecouché lorsque les tankistes de la 2e DB aperçoivent une longue colonne de camions et de semi-chenillés couverts de branchages et de poussière qui reflue vers Ecouché et Argentan. Aussitôt, le capitaine Buis commandant la 1/501e RCC déploie largement ses blindés dans la plaine, et prend à partie les troupes allemandes tentant d’échapper à l’encerclement qui se dessine. En quelques minutes c’est un véritable carnage : au moins cinquante véhicules de tous types sont détruits et brûlent, d’autres sont abandonnés par les équipages paniqués qui tentent désespérément de se sauver et sont mitraillés sans merci par les armes de bord. La 1/501e se rue à la charge et atteint la route Argentan-Bouché par le village de Fleuré où elle surprend à nouveau une colonne de la Wehrmacht en pleine retraite et la disloque en quelques minutes sur la route Ecouché-Argentan.

La curée s’arrête avec la tombée de la nuit, il n’est plus possible de décompter les pertes allemandes tant elles sont importantes, les routes sont encombrées d’amas de ferraille déchiquetée dont la plupart sont la proie des flammes, d’équipements, de caisses de munitions éventrées et de cadavres mutilés. Le colonel Warabiot décide de s’installer en position défensive, au N-E de Lucé sur les rebords du plateau, et ne souhaite pas reprendre la progression avant le levée du jour, ce qui est une aubaine pour les troupes allemandes qui en profitent pour s’échapper de la nasse qui se referme progressivement…

Pendant la nuit, les canons anti-chars du RMT parviennent à détruire deux véhicules de reconnaissance de la 116ème Pz-D venant d’Argentan qui tentaient de trouver les positions des forces alliées au carrefour nord de Fleuré.

La 2/501e se porte sur la Croix de Médavy

© Copyright 2000 Gaston Eve
Le char MONTMIRAIL, qui prit part aux combats en direction de la croix de Médavi. Il est ici photographié au Bois de Boulogne, après la libération de Paris, où il fut d’ailleurs l’un des trois premiers chars à pénétrer. © Copyright 2000 Gaston Eve

De son côté, le 12 août vers 13h, la 2/501e RCC rattachée au SGP reçoit l’ordre de tenir les carrefours qui se trouvent aux arrières. Néanmoins, une section est détachée avec une section d’infanterie vers Alençon jusqu’au carrefour de la Croix de Médavy à la rencontre du détachement Roumainzoff qui progresse vers le Nord et dont la radio étrangement silencieuse inquiète le P.C de la division.

A 18h45 le général Leclerc donne personnellement l’ordre au SGP de se rendre au carrefour de la croix de Médavi par la RC26 dans le but de dégager la colonne Roumainzoff. Le dispositif d’attaque de la compagnie s’organise rapidement : en tête, deux chars de la 3ème section (l’« Elchingen » ouvre la marche suivi par le « Wagram »), le char du commandant d’unité (CDU), le char-obusier de 105, et trois chars de la 3ème section. Entre les chars de tête viennent se positionner des half-tracks du RMT chargés d’infanterie, les arrières du convoi sont assurés quant à eux par une section d’infanterie et les 1ère et 2ème sections de la 2/501e.

La colonne progresse sans rencontrer de résistance quand soudain, à 19h30, à 50 mètres du carrefour de la Croix de Médavy, l’ « Elchingen » reçoit simultanément trois obus qui le percent et le mettent en flamme. Le « Wagram » ne peut riposter, son équipage étant gêné par les fantassins du RMT qui ont arrêté leur semi-chenillé afin de se déployer en formation de combat.

Après reconnaissance, un adjudant des marsouins rapporte la présence d’au moins un char Panther et certainement plusieurs autres qui viennent de quitter le carrefour. L’infanterie part le nettoyer, et il est 20h quand la progression peut reprendre. Le char « Essling » prend cette fois la tête de la colonne, protégé par l’infanterie. Un bref engagement a alors lieu, l’« Essling » en sort vainqueur et cède sa place au « Wagram ». Tandis que la progression reprend, une volée d’obus vient encadrer le char de tête, qui par miracle n’est pas touché. Le CDU met pied à terre et ordonne au « Wagram » de stopper son avancée. Il avance ensuite à pied jusqu’au virage ou un abattis obstrue la route. Il a juste le temps d’apercevoir la chenille d’un char ennemi camouflé par des branchages à 30 mètres de lui. Détonation sèche. Un obus lui effleure le casque. Immédiatement, le Wagram ouvre le feu au hasard, car il n’a pas aperçu le blindé allemand qui riposte dans les mêmes conditions. L’infanterie tente de déborder le panzer afin de le réduire au silence à l’aide d’un bazooka, sans plus de succès. Finalement, à 21h15, le char ennemi se replie pour se positionner un peu plus loin.

La compagnie se réorganise alors : le « Montereau », suivi du « Montmirail » et de l’« Austerlitz » passent en tête. Afin de ne plus tomber dans des embuscades anti-chars, l’infanterie est projetée en avant des blindés. La marche reprend, mais à l’instant où le « Montereau » dépasse la carcasse en flamme de l’auto-mitrailleuse allemande détruite par l’ « Essling », il reçoit deux obus de 75 tirés à très courte distance, qui blessent très grièvement l’aide pilote Wicinsky. Le chef de char, le Sergent Jamette, constate que sa tourelle est intacte et tire 5 obus dans la direction des tirs ennemis sans pour autant apercevoir de blindés. Le char est désormais la proie des flammes et le sergent décide de l’abandonner alors que l’infanterie ennemie se rapproche. Il tente alors de sortir l’aide pilote mais un troisième obus perce à nouveau le char, pulvérisant le blessé. Jamette doit alors dans un bref combat au corps à corps utiliser son pistolet pour se dégager des grenadiers qui tentent de le capturer.

Le Montereau détruit en forêt d’Ecouves.

Dans le même temps le lieutenant Michard se rapproche. Il engage le feu avec un char ennemi afin de dégager ses camarades. Un obus perforant atteint le haut de sa tourelle, le blessant à la tête. Il parvient toutefois à regrouper sa section au carrefour de la Croix de Médavy selon les ordres de son CDU. Il est 22h.

La 3/501e RCC en reconnaissance sur Le Cercueil, La Bellière, Avoine

Il est 19h ce 12 août 1944 lorsqu’une patrouille de reconnaissance se forme dans la forêt d’Ecouves, au PC du général Leclerc. Elle se compose d’une section de chars moyens, d’une section de chars légers et d’un peloton de reconnaissance, placés sous les ordres du capitaine Branet commandant la 3/501e RCC. Sa mission : reconnaître l’itinéraire Le Cercueil, La Bellière, Francheville, Boucé, Avoine et déterminer la présence et les positions de l’ennemi en ces points.

La reconnaissance débute à 20h15. Elle gagne sans difficulté Le Cercueil, mais à 21h, à la Haute-Bellière, elle est confrontée à deux formations sanitaires allemandes en retraite. Après un léger accrochage dans lequel un officier Waffen SS est tué, 200 à 230 prisonniers sont capturés dont plusieurs officiers. Au butin figurent également 20 véhicules auto et hippomobiles, tous en très bon état, ce qui oblige le chef de la patrouille à laisser le lieutenant Davieux avec un char léger et une jeep afin de ramener les prisonniers au PC de division. Le lieutenant distribue également 51 chevaux et 80 bicyclettes aux habitants de La Bellière.

La reconnaissance poursuit sa route entre les villages de La Bellière et Francheville. Elle se heurte à un groupe de véhicules de reconnaissance camouflés dans les taillis. Ils appartiennent au SS-Panzer aufklarung Abt I, c’est-à-dire le bataillon de reconnaissance de la 1ère division SS Adolf Hitler, commandé par le colonel Knittel. Les M8 tirent quelques obus de 37mm qui surprennent les équipages de la Waffen SS. Un officier ainsi que quinze hommes sont capturés et envoyés à La Bellière, rejoindre les autres prisonniers. Les Français ne prennent même pas le temps de détruire les véhicules ennemis tant ils savent que la rapidité d’action est leur meilleur atout.

Convoi blindé allemand détruit en pleine retraite.

A 22h, le groupe de reconnaissance est dans Francheville où il surprend un convoi allemand. Le premier M8 met en feu les deux voitures de tête à l’aide de quelques obus de 37 mm et le reste de la colonne est pris sous le feu du groupe Branet. Ce convoi allemand est composé de plusieurs tracteurs d’artillerie, de camions transportant de l’essence, d’un camion atelier, et de 25 autres véhicules de la 116ème PzD. Il réparait et ravitaillait plusieurs chars de cette même unité qui, à l’affut, attendent ce précieux convoi.

Mais les chars de la 2e DB sont sur la route La Bellière-Francheville et ils dominent les blindés allemands : après un court échange, les équipages de quatre Panther se rendent. Ils sont du II/Pz-Rgt 16 (116e PzD).

Une fois la nuit tombée, la reconnaissance se regroupe dans Francheville, d’où les chasseurs entendent les ronflements de chars allemands qui tentent de fuir vers l’est. Le sous-lieutenant Herry repart avec une jeep en direction du PC avec à son bord les renseignements recueillis et un officier capturé parmi les équipages de chars (les autres prisonniers sont enfermés dans une grange). En chemin, il est pris dans une colonne allemande en marche, et fait plusieurs kilomètres au milieu des voitures couvertes de branchages sans éveiller de soupçons, l’officier de panzer quant à lui ne tente pas de s’enfuir, se qui dénote son moral bien bas…

Le sous-lieutenant Herry est de retour à Francheville à 4h du matin. Dès le lever du jour, le groupe part pour Douce, non sans avoir au préalable dégagé la route des multiples épaves qui la jonchent.

13 août

Le groupement Granet en reconnaissance

Il est 8h30, ce 13 août, quand l’avant-garde du groupe de reconnaissance Branet (3/501e RCC) entre dans Douce et détruit trois camions allemand puis redescend sur la route de Carrouges, où un groupe de canons automoteurs allemands prend à partie le char léger M8 de tête et le détruit d’un coup au but. Les blindés légers de reconnaissance s’éparpillent et tente de trouver un abri, les chars de combats du 501 viennent maintenant engager le combat contre les automoteurs ; en quelques minutes, un automoteur et trois auto-mitrailleuses sont détruits, les autres prennent la fuite, les cavaliers font quelques prisonniers, une dizaine tout au plus.

Dans Boucé, les véhicules allemands arrivent en trombe, par toutes les routes de l’Ouest, surtout celle de Rânes ; les chars français sont bien embusqués et les accueillent à coups de canons, une fois de plus les pertes sont lourdes du côté allemand, mais malgré tout certains panzer-grenadier de la 1ère division de SS parviennent aux abords du village. Les équipages se battent également à l’arme de poing. Un chef de char tue avec son pistolet un officier de la waffen SS qui le mitraille à bout portant. Le calme revient petit à petit ainsi qu’un renfort de trois chars moyens qui arrivent de Francheville avec à leur tête le lieutenant Benard qui a reçu pour ordre de se mettre en liaison avec le GTV. A leur tour trois chars légers partent reconnaître Fleuré par la route d’Argentan, ils rencontrent deux panzer IV abandonnés au bord de la route par leurs équipages qui ne pouvaient continuer leur repli faute de carburant, ils tirent quelques obus à tout hasard et continuent la progression jusqu’à Fleuré où ils rencontrent le GTV.

© Ordre de la Libération
Le Capitaine Jacques Granet. Il s’évade le 27 mars 1941 d’un Oflag et gagne la Lituanie où le NKVD l’enferme trois mois comme espion. Ce n’est qu’à la faveur de l’offensive allemande contre l’URSS qu’il parvient à rejoindre la Grande-Bretagne avec 185 camarades, emmenés par le capitaine Billotte, © Ordre de la Libération

La reconnaissance repart et entre dans Ecouché, elle détruit de plusieurs coups au but de sherman un canon d’artillerie tractant un 105, et tue les 12 servants qui n’ont pas réussi à fuir à temps. Ce fût le sort réservé a beaucoup d’autres artilleurs en ces terribles journées de la mi-août 1944.

Au total sur une reconnaissance de 25 à 30 kilomètres, le groupe de reconnaissance du Capitaine Branet a capturé 275 soldats dont six officiers, 20 véhicules hippomobiles et automobiles capturés intacts ; elle a également permis la destruction de 25 véhicules de tous genres, voitures, camions, 7 auto-mitrailleuses ou véhicules de reconnaissance, un canon de 75 automoteur détruit, 7 panzer IV et 4 chars panther immobilisés, 3 pièces d’artillerie détruites dont un canon de 105, et enfin des panzer IV abandonnés sur la route de Fleuré-Boucé.

Le groupement Warabiot sur Ecouché

© Archives Normandie / NARA
Vue aérienne d’Ecouché. On aperçoit en bas la ligne de chemin de fer. La photo montre les dégâts dus aux bombardements. © Archives Normandie / NARA

C’est également dès le lever du jour que le colonel Warabiot décide de prendre Ecouché par surprise car il sait la bourgade fortement occupée. Sa manœuvre réussit parfaitement, la surprise est totale dans les rangs allemands. C’est encore la 1/501e qui attaque en tête avec la section du sous-lieutenant Malin qui prend d’une lancée le centre du village et son carrefour central. Elle hache pendant cette attaque des éléments de la 116e PzD qui retraitent et détruit une dizaine de camions et de semi-chenillés. Les survivants tentent d’échapper à la destruction dans une pagaille provoquée une fois de plus par la fatigue et la terreur des équipages qui ne disposent alors d’aucun appui blindé.

Pendant ce temps, les sections Touny et Galley se déploient au nord de la voie ferrée pour aborder les lisières à l’est d’Ecouché et prennent sous leurs feux les différentes colonnes ennemies qui, surprises de la soudaineté de l’attaque, s’enfuient malgré la présence rassurante de panzers vers Montgaroult en laissant derrière eux de nombreux véhicules détruits et de nouveaux tués.

La section Galley est rappelée dans le village avec pour ordre de passer le pont qui enjambe l’Orne, mais les consignes sont données de manière à ce qu’une fois le premier char passé, celui-ci ne s’engage pas au-delà du carrefour nord d’Ecouché qui est pris en enfilade par un char allemand embusqué sur la route de Mongaroult. Dès l’arrivée des fantassins du III/RMT au carrefour, le char tire un obus qui blesse très grièvement un fantassin de la compagnie Dronne (9/RMT). Mais le Panther a tiré trop tôt et a dévoilé sa position : il est aussitôt pris à partie par un obusier de l’escadron de reconnaissance du 1er RMSM qui, placé judicieusement par son chef aux abords du pont, décoche un obus en pleine tourelle du char allemand. Malgré ce coup au but, le Panther parvient à se dégager et à rompre le combat. La voie est maintenant libre et la section Galley peut se porter au-delà du carrefour pour établir avec une section de la 9/RMT une solide tête de pont face à Montgaroult.

La section Malin est placée face à l’ouest sur la route de Briouze après le passage à niveau où la résistance des grenadiers allemands reste acharnée, l’effet de surprise ne joue plus et les défenseurs (environ 55 hommes) accueillent les fantassins de la 2e DB, appuyés par les Sherman de la 1/501e, par un feu d’armes automatiques, de mortiers et de grenades. Les marsouins nettoient complètement cette zone en ne faisant pas de prisonniers.

Au même moment, un nouveau convoi de quarante camions et semi-chenillés venant de Briouze est détruit aux abords du village, les véhicules camouflés avec des branchages sont mis en flammes, certains sur la route, d’autres dans les fossés et quelques uns dans les champs Aux explosions des obus des chars français succèdent les explosions des munitions transportées, et, d’énormes panaches de fumée noire indiquent bientôt de manière lugubre l’emplacement de l’engagement.

Le groupe de combat se porte alors un peu plus en avant, au carrefour de la route de Briouze et de Seray ou il constitue un solide bouchon devant lequel tous les assauts des troupes allemandes venant de Rânes et de Briouze viennent se briser pendant 5 jours. C’est à cet endroit qu’est tué le capitaine Denormandie alors qu’il chargeait à la tête des fantassins de la 9/RMT.

© Ordre de la Libération
Le Commandant Joseph Putz. Vétéran de la Guerre de 14-18 et de la guerre d’Espagne, blessé à trois reprises, il est à la tête du 3e bataillon du Régiment de Marche du Tchad. © Ordre de la Libération

A l’état-major de la 2e DB, on comprend que cette position vient de couper en deux la ligne de retraite de la 116e PzD dont le plan vient d’être trouvé sur un officier capturé. Les pertes en hommes et en matériels de cette panzer-division vont dès lors atteindre des niveaux très importants.

Le sous-groupement Putz et la colonne Roumainzoff se rejoignent

Du côté du SGP, les équipages du 2/501e RCC passent une nuit sans alerte. Les pleins des véhicules sont effectués et à 7h du matin, la progression reprend ; c’est l’aspirant Lacoste (chef de la 2e section) qui ouvre la route… à pied, en communiquant par signaux avec ses chars pour les faire avancer quand la voie est dégagée.

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Le Lt-Colonel Roumainzoff. D’origine Russe, il est contraint d’émigrer à la révolution d’Octobre. Il rejoint De Gaulle en Décembre 1941. © Ordre de la Libération

A 9h, le contact est enfin établi avec la tête de la colonne Roumainzoff sans qu’aucun élément ennemi ne soit décelé. La compagnie se regroupe alors à 300m au sud de la croix de Médavy, ou elle attend jusqu’à 12h, moment où elle reçoit l’ordre de se mettre à la disposition du général commandant la 2e DB, avec pour mission de verrouiller la route Boucé-Argentan.

Les affrontements autour de la croix de Médavy se concluent à l’avantage des Français : ces derniers déplorent trois morts, cinq blessés et deux chars détruits mais les Allemands laissent quant à eux sur le terrain deux auto-mitrailleuses, deux tracteurs d’artillerie chenillés, plusieurs véhicules dont un tracteur et son canon de 210.

Malgré tout, les hommes de la Wehrmacht ont réussi à évacuer à la faveur de la nuit une colonne de quinze chars dont plusieurs mis hors d’état à la suite de l’engagement, d’après les informations recueillies auprès de prisonniers, qui affirment également que le carrefour était tenu par deux Panther et au moins six panzer IV.

14 et 15 août

Le colonel Warabiot est rejoint à Ecouché par le commandant Putz. L’organisation de la défense du village contre les contre-attaques allemandes encore vigoureuses est confiée au groupement, qui doit subir des attaques jusqu’au 17 août. Ses assauts sont brisés par les chars et les fantassins de la Compagnie Dronne (9/RMT) qui sont placés aux deux issues du village. Des véhicules et trois chars ennemis ainsi qu’un char de la 2e DB, le Massouah, sont détruits. Un Panzer IV est capturé en état de marche mais trois soldats sont blessés par un canon de 88.

Le commando GTV décide de monter une opération nettoyage avec le groupement d’attaque qui se trouve à la lisière de Loucé. Ils attaquent Joué-du-Plain et remontent au nord pour enlever les broussailles où se trouvent cachés des SS. L’opération fait un mort, le sergent Moralès et deux blessés du commando GTV.

16 et 17 août

La journée du 16 août est plus calme pour le régiment qui se contente de repousser les différentes tentatives de percée des Allemands. Les positions restent les mêmes, hormis quelques éléments de la 3/501 qui parviennent à franchir l’Orne en aval d’Ecouché. La nuit est quant à elle marquée par une succession de duels d’artillerie violents entre les kanonier et les artilleurs. Au petit matin commence le nettoyage des abords de Joué-du-Plain et, au nord de cette localité, le contact est établi avec les forces américaines qui viennent de s’emparer du château de la Motte.

Le 17 août en fin de journée, la liaison est établie avec d’une part la 3e DB US sur la route de Briouze et d’autre part avec la 11e DB britannique qui arrive quant à elle de Flers. Le 19, cette unité britannique attaque Montgaroult avec pour base de départ Ecouché, tandis qu’une autre de ses colonnes file sur Putanges.

© Archives Normandie / NARA
Le Gen. Leclerc avec l’équipage du Sherman Auerstaedt, le 17 Août 1944. De gauche à droite: Bernard Gagneux (radio chargeur), Raymond Legrand (tireur), Robert Le Gall (aide pilote), René Perrot (pilote). © Archives Normandie / NARA

Le lendemain Argentan tombe, ce qui soulage énormément les troupes françaises positionnées à Ecouché. La mission de défense d’Ecouché peut d’ailleurs être considérée comme terminée, marquant la fin des combats pour le 501e RCC en Normandie. Le bilan des combats du 12 au 19 août est de 16 tués et de 23 blessés. Dans quelques jours, les équipages pourront savourer la récompense suprême : la libération de Paris.

Conclusion

Nous pouvons donc dire que dans le rôle de cisaille joué par la 2e DB, le 501e RCC a été, à l’instar des autres formations blindées, un des éléments prépondérants à la bonne exécution de cette manœuvre pourtant délicate. Sa capacité à se mouvoir rapidement, alliée à sa puissance de feu, a permis d’engager l’ennemi et de le détruire dans la plupart des cas dès les premières minutes de combat. L’engagement du régiment en fractionné a également été déterminant, les deux sous-groupements alliant petits groupes blindés mélangés à de l’infanterie s’étant révélés redoutables par leur vitesse de déplacement. L’appui des chars leur a également permis de verrouiller certains points stratégiques et d’éviter ainsi d’être coupés des bases arrières. La 116e PzD a payé au prix fort le succès de cette tactique, puisque ses lignes de repli coupées en deux ont empêché la majorité des éléments restés à l’ouest d’Ecouché de se retirer en bon ordre.

Le Sherman « Massouah » appartenait à la 1ère compagnie du 501e RCC. Il est exposé à l’endroit même de sa destruction le 15 août, par un tir de char allemand.

Quant à la polémique lancée par les Américains, visant à rejeter la responsabilité de leur échec devant Argentan en prétextant que le groupement Billote a emprunté la RN 158, (ce qui leur aurait fait perdre beaucoup de temps) elle oublie que les soldats de la 2e DB leur ont permis de faire sauter le bouchon de Mortrée tenu solidement par les hommes de la 116e PzD. Et c’est à Mortrée que les Américains ont perdu de précieuses heures en se retirant de la localité afin de faire donner leur artillerie pour « attendrir » les défenses allemandes et relancer une nouvelle attaque, cette fois-ci victorieuse…


Frédéric Normand